L’homme nouveau et la crainte de voir disparaître l’homme ancien est une peur ancienne. Elle se manifestait déjà à l’époque helléniste et se manifeste encore de nos jours. Ainsi, il est légitime de se questionner sur la nécessité ou non de créer un homme nouveau et à quel prix. Ainsi, il faut mettre dans la balance les dérives éventuelles et les nouvelles possibilités qui s’ouvrent à nous !
Avant de savoir ce qu’est-ce, ou non, un homme nouveau, il faut définir qu’est-ce qu’un homme. D’un point de vue biologique, c’est unhomo sapiens sapiens(un homme doublement sage), un primate bipède avec un pouce opposable. D’un point de vue théologique, l’homme est la représentation, imparfaite certes, de Dieu. D’un point de vue philosophique, l’homme est tantôt un animal supérieur, tantôt un animal comme les autres mais avec une conscience de soi. Finalement, d’un point de vue scientifique, l’homme n’est qu’un tas de poussière issus du hasard, comme la totalité des composants de l’univers.
La peur d’un homme nouveau se justifient à de nombreux arguments.
Ainsi, la peur d’un eugénisme, digne des heures les plus sombres de notre Histoire et la volonté d’Hitler d’avoir une « race pure », est pleinement justifiée par le fait qu’il devra, dans ce cas, définir ce qui est pur ou non. La pureté ethnique est subjective, chacun s’estimant le plus parfait.
Cet eugénisme peut prendre une autre forme. À l’instar du livreLe meilleur des mondesd’Huxley, les individus sont choisis génétiquement selon des critères précis. Ces caractéristiques, selon la « pureté » de l’individu (définit notamment sur la beauté ou les capacités sociales. Note à part, les individus sont « altérés », par exemple avec de l’alcool, pour les faire devenir moins intelligent et rendre manifeste et accentuant les différences), détermine son statut social. Cet eugénisme peut dériver à un humain conforme, type, reproduit en série. Se pose alors la question suivante : qu’est-ce qui fait un homme bon (dans le sens qualitatif, génétique, tel un produit qu’on détruirait car ne correspondant pas à des caractéristiques requises pour sa mise en vente) ? Pourtant, les normes peuvent parfois (ou tout le temps) se tromper. Un professeur d’Einstein aurait dit que rien de bon ne sortirait de lui. Pourtant, il fut celui qui révolutionna l’astrophysique. Ainsi, le critère de choix est caduque et irraisonné, l’homme n’étant qu’un homme (et par définition imparfait), il ne peut définir la perfection qu’il se donne comme objectif.
Il y a aussi une crainte d’une marchandisation de l’homme. Par des choix génétiques, ou par manipulation, on pourrait créer des surhommes, plus intelligent, plus forts, plus sportifs, plus compétents. Mais ces manipulations seront bien sûr onéreuses, permettant ainsi à une aristocratie aisée d’être « supérieur » au commun des mortels. Il y aurait donc une perte du principe que les hommes naissent libres et égaux (principe répétés dans tous les droits de l’homme rédigés, preuve de son importance capitale), auquel les nantis seront plus égaux que les autres. Ainsi, il y aurait une humanité à deux vitesses : les riches, surhommes, et les pauvres, simples humains.
Une autre crainte, autre que celui du facteur génétique, est les transhumains, les humains cyborgs et autres humains mi-homme, mi-machines. Peut-on améliorer la condition humaine en s’augmentant avec des machines ? Il est impossible de modifier les paramètres, à l’aide d’outils perfectionnés, comme le rythme cardiaque ou les impulsions électriques dans le cerveau, issus de millions d’années d’évolution et de perfectionnement, sans risquer la mort. Jouer les apprentis sorciers et bidouillant une mécanique huilée risque tout simplement la fin de son fonctionnement. Certaines personnes ayant tenté de modifier le rythme d’impulsions électriques dans le cerveau parle même qu’ils ont eu les mêmes effets que certaines drogues dures !
Une autre problématique est la peur de la nouveauté. Adam Douglas disait que tout ce qui était crée pendant notre enfance était normal. Ce qui était crée pendant notre adolescence comme quelque chose de fantastique et ce qui est crée après la ménopause (ou l’andropause pour les hommes) comme quelque chose de contre nature ou de trop compliqué. Ainsi, il parait normal, pour des jeunes, d’imaginer un homme nouveau, à une période où l’envie de changer le monde est le plus important. Il est aussi normal, pour des personnes plus âgées, pour qui la mécanisation du corps ou la manipulation génétique relève de la magie noire, soient réticent à cela.
Acontrario il existe de nombreuses raisons d’espérer un homme nouveau.
Tout d’abord, rien n’est plus naturelle que la nouveauté, qui est induite par le hasard et l’évolution. L’évolution, par tout un jeu de sélection, permet de choisir les individus les plus adaptés à un milieu donné et donc à y survivre. S’opposer à cette évolution, c’est tout simplement s’opposer à la survie de l’homme !
Ainsi, l’homme nouveau doit répondre à de nouveaux besoins, issus par l’anthropisation de son milieu. Il doit alors survivre à une forte radioactivité, à une pollution importante, à une eau moins pure, à moins de viande (élément nutritif gourmande en ressources), à une concentration de congénère plus importante (afflux accrues d’informations qu’il n’avait alors pas à traiter, comme plus de personnes à connaître et à reconnaître, et un sens plus poussé du vivre ensemble) et finalement à un environnement essentiellement urbain (la majorité de la population vivent maintenant dans des villes, le XXe siècle étant celui du basculement d’un mode de vie rural à un mode de vie urbain).
Le cerveau de l’homme s’est aussi hautement modifié à l’ère d’Internet, modifiant les connexions dans l’encéphale et le développement des aires cognitives. Ainsi, l’homme moderne n’apprend moins, car l’information est partout, mais analyse plus cette pléthore informationnelle. Il ne faut pas avoir peur de cette révolution. Platon disait que l’écriture allait rendre les personnes idiotes. L’Église disait que l’imprimerie allait rendre les personnes paresseuses intellectuellement. Et pourtant, c’est à ces moments-là qu’il y a eu un foisonnement intellectuel !
Mais l’homme est aussi un animal spirituel, dans le sens de l’esprit, et n’est pas seulement un singe savant. Il a une conscience morale. L’homme nouveau devra donc développer cette spiritualité, qui se traduit par plus d’unité parmi le genre humain, plus de coopération, plus d’amour et de justice pour pouvoir, sous cette seule conditionsine qua noneparvenir à la paix mondiale tant espéré. On pourrait résumer cette nature-là par la « science sans conscience n’est que ruine de l’âme » de Rabelais.
Ainsi, l’homme nouveau, pour assumer ses responsabilités face à un nouveau monde, développer trois natures : physique, avec l’amélioration génétique et mécanique ; intellectuel, avec une meilleure interconnexion et analyse de ses informations ; et spirituel, jouant en quelque sorte le rôle de la morale, de la conscience, du chef d’orchestre permettant d’arriver à termes à son dessein et de contrer les dérives. De l’autre côté, on retrouve des craintes légitimes, notamment avec une naissance d’une aristocratie supérieure, et d’une humanité à deux vitesses, avec la perte potentielle d’électrons libres, marginaux mais faisant avancer l’humanité à leur manière. Il faut donc peser le pour et le contre, les peurs contre les bénéfices que l’on peut en tirer.
Ainsi, on pourrait conclure, face aux défis inédits que se profilent dans les années futures, tant inquiétants qu’excitants, en paraphrasant Malraux et dire que le XXIe sera celui de l’homme nouveau ou ne le sera pas !