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[Lettre ouverte destinée au Parti Pirate] Pourquoi réduire les subventions de la PAC est une mauvaise idée

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Un des sujets clé des élections européennes est la réduction ou non des aides dédiées à l’agriculture.
Vu que c’est un sujet important, et que, de par mes études, je me suis penché sur la question, je vais essayer de vous éclairer. Ce sujet me tient à cœur. En effet, la nourriture est la base de la société, et, à tort, on a des raisonnements trop simplistes à ce propos. De plus, la France est le premier pays agricole d’Europe.
Un des arguments énormément utilisés est que les subventions aident au productivisme, au détriment de l’environnement et de la santé des consommateurs (thèse du Parti Pirate, un des seuls parti à être POUR la réduction des subventions de la Politique Agricole Commune, tiré de votematch.eu).
Pour comprendre cette affirmation, il faut connaître l’histoire de la PAC.

Histoire de la PAC et pourquoi on en est là


Au début de la PAC, en 1957 (suite au traité de Rome), il y avait 5 objectifs à atteindre :
– Accroître la productivité de l’agriculture en profitant des progrès agricoles
– Assurer un niveau de vie équitable à la population agricole
– Stabiliser les marchés en arrêtant les fluctuations des prix
– Garantir la sécurité des approvisionnements
– Assurer un prix raisonnable au consommateur.
Il faut aussi voir le contexte : à cette époque, on sortait de la guerre, on n'avait plus assez à manger. Il fallait donc nourrir tout le monde et on avait un pays à reconstruire ! Le secteur agricole était considéré « arriéré », à la marge, sur la touche, et certainement un des secteurs les plus pauvres. De plus, la France, dès le début du XXe siècle, et, après la guerre, a connu un exode rural. Qui dit exode rural dit moins de main d’œuvre. Qui dit moins de main d’œuvre dit moins de production, donc on ne nourrissait pas tout le monde.
Alors, on a décidé pour résoudre ce problème de « diffuser le progrès technique ». En gros, on met en relation les agriculteurs et les techniciens. À l’époque, les agriculteurs n’étaient pas autant instruits qu’aujourd’hui. Ils faisaient comme papa et ne savaient pas si c’était efficace ou pas. C’est donc à cette époque qu’on a crée les premiers lycées agricoles, les « formations » des agriculteurs (foyers de progrès agricole, centre d’étude technique agricole, postes de conseillers…), et qu'on a décidé de moderniser les équipements (on utilisait encore des techniques datant du Moyen-Âge !). Voilà un peu ce que fait le plan Monnet (1947-1953), politique française complémentaire à la PAC.
La PAC, elle, joue plus sur les marchés. Pour cela, elle s’équipe de plusieurs principes.
Tout d’abord, l’unicité des prix et des marchés. En gros, on supprime les barrières douanières intra-européennes et on favorise le libre échange. On fixe des prix pour soutenir à la fois le consommateur et l'agriculteur (en lui assurant des revenus fixes).
On utilise aussi la préférence communautaire. Simple comme principe : on privilégie l’économie européenne. Mais à l’époque, c’était aussi vrai dans d’autres secteurs !
Enfin, on utilise aussi la solidarité financière, avec le FEOGA (Fond Européen d’Orientation et de Garantie Agricole) qui sert à financer les dépenses de la PAC.
Finalement, on en arrive à un marché organisé.
Mais alors, comment finance-t-on la PAC (et donc le FEOGA) ?
C'est très simple : plusieurs principes régissent le financement.
Tout d'abord, les prix garantis : je vous en ai parlé, on assure un prix minimum. Si le producteur vend en dessous de ce prix, la PAC lui verse la différence. Imaginons que l’agriculteur vend 5€ un produit et que le prix minimum est de 10€, la PAC lui versera 5€.
Ensuite, le système des prélévements-restitutions : on taxe les produits importés pour subventionner l’agriculture locale. C’était une méthode efficace.
Avec ces méthodes, on a pu tirer le bilan suivant, en 1992:
On avait réussi à augmenter les exportations de la production française et on avait modernisé un secteur en retard ; on avait augmenté la production, permettant d’avoir une autosuffissance alimentaire.
Néanmoins, il y a des points noirs au tableau :
la baisse de la population agricole et donc du nombre d’exploitations. L’exode rural avait été un traumatisme en France car, culturellement, l’agriculture était le lieu d’excellence. « Labourage et pâturage sont les deux mamelles de la France » disait Sully. Avec l’exode, il ne restait plus personne ou presque.
Il y avait eu aussi le choc pétrolier de 1973, qui avait engendré une baisse des prix, et donc des salaires, pour lutter contre l’inflation.
Sans compter les nombreux problèmes environnementaux (épuisement des sols, nitrates dans l’eau, etc) et sociaux (stress, burnout… c’est assez épuisant).
Le productivisme a donc sorti la France du marasme économique post-guerre, mais au détriment de l’environnement et de la société. Il avait, à son époque, une utilité réelle et devait répondre aux priorités de l’époque.
Ainsi, en 1992, 1999, 2003 et 2014, la PAC a été réformée à de nombreuses reprises pour corriger le tir.
De cette manière, en 1992, on a décidé de lutter contre le productivisme en baissant les prix garantis et en les remplaçant (en partie) par une aide directe. On a utilisé le découplage (c'est-à-dire la dissociation du montant des aides directes par rapport à la production). On a ordonné aussi que les aides soient données selon l’hectare et non plus selon la tonne ; 10 % des terres arables (= cultivables) seront mises en jachère (= repos).
C’est aussi lors de cette réforme que la PAC que furent créees les mesures agro-environnementales. En gros, on soutient l’élevage extensif (par exemple, le pâturage) et l’agriculture biologique. Mais, en 1992, ces aides sont destinées uniquement aux agriculteurs volontaires souhaitant préserver l’environnement.
Suite à ça, une deuxième réforme a eu lieu, en 1999 (c'est ce qu'on appelle les accords de Berlin). D’une volonté à assurer une production de denrées alimentaire à bas prix et en quantité suffisante, on est passé à vouloir donner à l’agriculture une valeur de multifonctionnalité, ce domaine n’ayant pas qu’une vocation de production, mais aussi de maintien du territoire (social, environnemental, entretien des paysages…). Il est crée un deuxième pilier à la PAC pour la protection de l’environnement (normes, principe du pollueur payeur). Il y a aussi une accentuation du découplage partiel et une baisse des prix garantis (donc du productivisme). L’Europe, finalement, a pris en compte les crises sanitaires (vaches folles), la qualité et la sécurité des aliments.
En 2003, la PAC organise la production en fonction de la demande. Il y a des aides indépendantes vis-à-vis de la production mais plus axées sur d'autres conditions (bien-être animal, environnement). Économiquement, on renforce le développement rural (aide à l’installation, mise aux normes) et on baisse les subventions à l’exportation, les droits de douane, on crée des soutiens internes pour équilibrer les écarts Nord/Sud (je vous rappelle le protectionnisme avec la préférence communautaire), et ainsi permettre que les produits du Sud (le Brésil, par exemple) soient compétitifs avec les produits européens.
La réforme de 2014, elle, apporte un développement des circuits courts, une diversification des cultures (donc biodiversité) et une préservation des réservoirs écologiques et des paysages.
Ainsi, dire que la PAC favorise le productivisme au détriment de l’environnement et de la santé publique est totalement faux depuis les années 1990. A partir de 2000, les pays du Sud concourent avec l’Europe et dire que la PAC les défavorise est totalement faux. Des efforts ont été fait.
Le Parti Pirate, en affirmant que le productivisme est favorisé par la PAC, diffuse donc de la désinformation. Il y a une volonté d’aller contre ce productivisme. Mais stigmatiser les agriculteurs n'est pas une bonne chose. En effet, c'est un métier difficile, peu valorisé, notamment dans les grandes régions productivistes (un peu moins pour ceux en montagne, qui privilégient une production de qualité). Alors qu'on les a traités de retardataires après la Seconde Guerre Mondiale, ils ont eu une chance de gagner du prestige en redressant la France, grâce au productivisme. Maintenant, on les pointe du doigt. Il faut donc aider les agriculteurs à être fiers de leur production, en incitant le qualitatif (et un quantitatif qui répond à la demande, sans retomber dans les excès du surplus).
Un des véritables enjeux sera de valoriser cette filière d’un point de vue social (redonner du prestige, de la fierté d’être agriculteur), par exemple en incitant à faire du qualitatif (bio). Il ne faut pas diminuer les aides de la PAC, mais les réorienter

Propositions


La nourriture est un sujet particulièrement sensible. Vu les scandales alimentaires (lait chinois, lasagnes au cheval), il y a une véritable confiance à regagner auprès des consommateurs. De plus, les agriculteurs sont écrasés sous le poids des marges des grands réseaux de distributions, n’ayant presque plus rien.
Ainsi, il faut favoriser la vente directe ou les circuits courts : les consommateurs voient les producteurs, discutent. On voit qui produit et le producteur voit les consommateurs, pouvant ainsi mieux répondre à leurs besoins. Sachant qu’il pourra répondre à la demande, et que les produits ne seront pas jetés, il s’efforcera à produire un produit de meilleur qualité. Il y aura aussi moins de marges prises par les grandes enseignes, l’agriculteur pourra ainsi avoir un salaire décent. Les circuits courts sont une solution gagnants-gagnants : moins de marge, un salaire plus élevé, un produit meilleur et des besoins comblés.
Il faut aussi favoriser les produits du terroir, du territoire. Ils sont un facteur d’identité important et préservent des savoir-faires ancestraux. De plus, la consommation de produits locaux permet de réduire les transports et de favoriser le tissu économique local. Dans un monde mondialisé, l’identité locale est importante, d’où l’importance des labels (AOC). De plus, le localvore permet de réduire les émissions de CO2 et contribue au développement économique local
Je suis aussi favorable à une agriculture biologique, ou du moins durable (qui tend à permettre à tous de se nourrir et de répondre à ses besoins sans compromettre les ressources afin que les générations futures puissent répondre aux leurs). Bien sûr, au départ, on produira moins sans engrais. Mais au fil du temps, les sols se refabriqueront et seront aussi compétitifs que l’agriculture conventionnelle. Cette dernière épuise toutes les ressources du sol et les rend stériles. Bien sûr, l’agriculture biologique, dans sa philosophie, ne peut que aller de pair avec des semences dans le domaine public. L’agriculture conventionnelle est sous perfusion. A contrario, l’agriculture biologique, avec le respect de l’environnement, permet de produire autant, de meilleure qualité et préserve les ressources.On fait avec la nature et non contre(Gilles Clément).
Mais il y a aussi la notion de multifonctionnalités et du territoire. Qui voudra, si les agriculteurs cessent de faire, entretenir les paysages, bien commun à tous ? Qui maintiendra les milieux naturels, comme les prairies sèches en montagne ? Socialement, qui maintiendrait les traditions locales, comme les fêtes ? Les agriculteurs font donc un travail d’entretien de biens communs à tous, travail que peu voudraient faire

Conclusion


Au final, dire que la PAC favorise le productivisme au détriment de la santé et de l’environnement est de moins en moins vrai, comme démontre les réformes de la PAC.
Ainsi, pour une meilleure agriculture, il faut réhabiliter le statut de l’agriculture en favorisant les circuits courts, l’agriculture durable (voire biologique) et multifonctionnelle qui elle seule permet l’entretien des biens communs.

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