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#educationisnotacrime ou comment l’Iran empêche une minorité à avoir accès à l’éducation

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A l’occasion du Education Is Not A Crime Live 2015 à Los Angeles, Nader m’a envoyé un petit courriel pour que je diffuse un article. En effet, en Iran, certaines minorités n’ont pas le droit à aller à l’école. Il nous explique pourquoi. Dans un précédent article, je disais que l’éducation permettait un changement profond de la société.

L’éducation est quelque chose de primordiale. Savoir lire, écrire, compter, connaître le monde qui nous entoure et le comprendre. Plus qu’une chance, c’est un privilège. Mais certaines personnes dans le monde en sont dépourvues. Pas qui le veulent pas au contraire, ils en rêvent. Pas qu’il n’y a pas d’école, au contraire, il y en a de très bonnes. Non, simplement parce que leur gouvernement leur en empêche. Pourquoi ? Parce qu’ils sont nés dans une minorité qui, depuis le XIXe siècle, est opprimée. Je veux bien sur parler des Baha’is en Iran. À l’occasion de la campagne de #educationisnotacrime, je vais revenir sur un fait qui est pas tant parlé dans les journaux. Un crime quasiment silencieux.

Revenons en 1840. La société iranienne est en pleine débandade. C’est une société corrompue, les chefs spirituels et temporels préférant les vanités de ce monde et aux plaisirs de la cour, plutôt que de se soucier par exemple des pauvres. Un jour, un marchand de Chiraz, surnommé le Báb (la porte en persan), a décidé de réadapter l’Islam pour répondre aux problèmes de l’époque (de la même manière que le Christ a réformé le judaïsme en apportant le christianisme), en adoptant la forme d’une nouvelle religion. Oh rien de bien méchant, quelques réformes qu’il a écrit dans un livre, le Bayan. Bien sûr il y a eu une vague en Iran, des personnes adhérant à cette nouvelle religion et des personnes, surtout voulant garder leurs privilèges, étaient contre. Le Bab à dit qu’il n’était qu’un messager annonçant la venue de quelqu’un de plus important, Bahá’u’lláh (qui ne savait pas à l’époque que c’était lui, c’est une longue histoire). Ce personnage est le fondateur du baha’isme[1]. Ce personnage était le fils d’un ministre : à lui la richesse et le pouvoir. Mais il décida de tout abandonner[2] et de proclamer son message. Oh, trois fois rien : l’égalité homme/femme[3], une redistribution des richesses, que l’humanité est une, que toutes les religions ne sont des facettes d’une seule et même, la recherche indépendante de la Vérité (et donc abolissant le clergé), que les religions n’étaient qu’une vérité relative, car adapté à la capacité de compréhension de leur époque[4]… Bien sûr, cela ne plaisait pas aux mollahs, l’autorité religieuse chiite.

Ces derniers ont donc décidé de faire une campagne contre les baha’is. Ils sont donc accusés de tous les maux : espions tour à tour britanniques, russes, israéliens selon l’ennemi du moment. Bahá’u’lláh ne doit sa survie qu’au fait de sa condition de noble, mais fut exilé jusqu’aux confins de l’empire ottoman, à Saint-Jean d’Acre[5].
Au début du XXe siècle, les Baha’is ouvrirent une école ouverte à tous. Qu’importe le sexe ou la religion. Elle était prestigieuse. Les grands notables envoyèrent leurs enfants dans cette école.
Mais le clergé ne voyait pas ça d’un bon œil. Après tout, toute religion postérieure à l’Islam est mauvaise[6], non ? Et depuis quand la femme est l’égal de l’homme ? Et surtout, pourquoi remettre en question l’autorité du clergé ?

Durant la Révolution constitutionnelle, au début du XXe siècle, de nombreux changements eu lieu. Le peuple iranien demandant un parlement, la liberté de la presse, une indépendance vis-à-vis de l’Occident. Une des premières constitutions orientales. Bien que les zoroastriens, juifs et chrétiens furent juridiquement protégés, les Baha’is en furent exclus. Et c’est parti pour des décennies de discrimination. Pendant ce temps, les Baha’is travaillèrent pour donner plus de droits aux femmes… Bref, ils essayaient comme ils pouvaient de changer leur société pour la rendre meilleure.

La situation va mieux avec Reza Shah et son fils Muhammad Reza Shah, leur donnant une égalité avec les autres citoyens. C’est une période courte, de 1925 à 1979. Néanmoins, il nomma un premier ministre issu du clergé nationaliste. En 1955, ce ministre envoie l’armée dans un centre baha’i (où se réunissait les baha’is régulièrement) pour les chasser. Des propriétés des Baha’is sont saisies. Cette période est relativement calme (comparativement à ce qui arrivera après) malgré des épisodes de répression.
Mais à la Révolution de 79, le clergé, ayant gardé un goût amer, décide de priver de droits les Baha’is. On rentre dans une période de tension permanente. Les révolutionnaires font une propagande anti-baha’is, en les dénigrants. On les force à se convertir à l’Islam. On assiste à des exécutions de masse. On empêche les baha’is d’exercer certains métiers. L’université est interdite pour eux. Une université de l’ombre, la BIHE pour Bahá’í Institute for Higher Education, est crée pour permettre aux jeunes d’étudier.

Dans les années 2005, un discours de haine à lieu. Des journaux et des tracts de propagande anti-baha’is dont diffusés. Les cimetières sont profanés. Des baha’is sont jetés en prison juste à cause de leur foi. Si vous voulez en savoir plus, une page Wikipédia en anglais relate les persécutions.

Et pendant 170 ans, alors que les violences sont de plus en plus fortes, les baha’is continuent de résister pacifiquement. L’Iran, en privant d’éducation, viole les droits humains.

Je tiens à préciser que ce texte n’est pas écrit dans une volonté de prosélytisme. Je veux juste faire connaître à la terre entière une injustice peu connue et rendre hommage à une minorité qui continue de résister pacifiquement malgré la violence de la répression.

L’amélioration du monde peut s’accomplir par des actes purs et bons, par une conduite louable et convenable.Bahá’u’lláh

La Terre n’est qu’un seul pays et tous les hommes en sont les citoyens. Bahá’u’lláh

Si vous voulez en savoir plus, je vous conseille :

le film To Light a Candle, par Maziar Bahari et le site dédié educationisnotacrime.me dont ce texte est une traduction libre. Il parle des actions du gouvernement pour empêcher les baha’is d’aller à l’école.
le film Iranian Taboo de Reza Allamehzadeh parlant des persécutions faites aux baha’is
Le site officiel des baha’is de France bahai.fr et de la communauté internationale bahai.org
Un article intitulé «  RELIGIONS – Les bahá’ís en danger : la situation des droits de l’homme en Iran à un tournant ? »
    \t
  1. en effet, on peut considérer le Bab comme celui qui annonce la venu de Bahá’u’lláh de la même manière que Jean-Baptiste a annoncé la venu du Christ ^
  2. \t
  3. à vrai dire, il se souciait guère des fastes de la cour. Il était surnommé le père des pauvres : il s’occupait de la misère autour de lui ^
  4. \t
  5. une des premières féministe iranienne était baha’i, pour l’anecdote ^
  6. \t
  7. ça vous parait normal tout ça ? Imaginez le contexte de l‘époque ! Révolutionnaire ! ^
  8. \t
  9. ce qui explique historiquement la localisation de l’administration baha’i. Sa construction étant antérieur à celle de l’État hébreu, la propagande iranienne disant que les baha’is soutiennent Israël est fausse. D’ailleurs, si les baha’is ne travaillent pas dans l’administration, ils n’ont pas le droit de vivre dans ce pays pour éviter de nourrir ce genre d’allégation ^
  10. \t
  11. Chez les musulmans, Mohamet est surnommé le sceau des prophètes c’est à dire le dernier. Pourtant, il dit aussi qu’il y aura d’autres après lui. ^

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