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Le Skyblog, ce drôle de journal extime

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Alejandro Escamilla - domaine public
Alejandro Escamilla - domaine public

L’autre jour, je parlais à table avec des amies des Skyblogs. Vous savez, ces petits sites où les adolescents racontaient leurs déboires amoureux, familiaux… Loin de faire un pamphlet, ou a contrario de l’apologie, je vais essayer de décortiquer la raison de son succès.
L’adolescence est un âge difficile. Le corps change, et le regard sur soi est assez difficile, sans compter le regard des autres, avec les moqueries, ce qui ne facilite pas les choses. On est en conflit avec l’autorité : nos parents, nos profs, le gouvernement… On rejette cette autorité si docilement acceptée durant cette enfance. Il y a un esprit de contradictions, de lutte interne, de bouillonnement qui se passe à l’intérieur de ce petit corps. Mine de rien, ce changement de repères (corporel, sensoriel, social), ça remue sacrément. On change du tout pour le tout : on devient un adulte en l’espace de quelques années, avec ses responsabilités et sa maturité, alors qu’avant on n’était qu’un enfant et qu’on pouvait se laisser porter par les flots. Et ça, mine de rien, ça un sacré impact. Heureusement qu’on ne vit cette métamorphose qu’une fois dans sa vie.
Pourquoi je vous parle de ça ? Cette rage interne, cette envie de changer le monde peut être fait de plusieurs manières. Tout d’abord, la méthode Conan the barbare : on brûle des voitures, on fait des bêtises (euphémisme), bref on montre à la société notre changement. Heureusement, ce cas-là est relativement minoritaire[1]. Le second cas, c’est l’écriture d’un journal intime. Bon, je ne sais pas pourquoi, mais c’est plus les filles qui écrivent ce genre de choses, et peu les garçons. Bref. Le problème d’un journal intime, bah, c’est que par principe, c’est que personne ne le lit. Il a des cadenas et un lecteur à empreinte digital. Or, à cet âge, on a besoin de reconnaissance. D’être intégré à un groupe, d’être identifié. Et quoi de mieux pour y arriver ? Ouvrir l’accès du journal intime au monde. C’est le principe du journal extime. L’avantage du journal extime, est, selon Michel Tournier, une manière d’appréhender l’extérieur, de décrire les découvertes de la vie. En soi, je pense que journal extime correspondrai mieux aux Skyblog plutôt que le terme de blog. Les Skyblogs changent selon l’évolution de la personne[2]. Facebook aurait tendance à supplanter les Skyblogs, mais la non-personnalisation du design du site ne donnerait pas l’illusion d’être dans un petit « chez soi ».
Ainsi, on a vu que le Skyblog jouait un rôle important dans la construction d’une personne. Mais se pose un problème crucial, à l’ère post-Snowden : quid des données personnels ? Des nombreuses photos prisent sans autorisation explicite (ne nous leurrons pas, et ce n’est en soi pas blâmable, on ne dit pas « Salut ! Je peux prendre ta tronche pour mon journal intime parce que je suis secrètement amoureu-x-se de toi ? »). Pourquoi pas faire une sorte de Skyblog à la sauce libre (ma haine des réseaux centralisés), donnant une certaine confidentialité (juste un cercle restreint d’utilisateurs peut y avoir accès), mais offrant une possibilité de personnalisation[3] qui a fait le succès du site ?
    \t
  1. Contrairement à ce qui est décrié dans les journaux, mais quelle personne sensés lit ce genre de chose ? ^
  2. \t
  3. Amélie, 12 janvier 2014, Anatomie de ton vieux Skyblog — Archéologie du Web ^
  4. \t
  5. Ne dirons pas de mauvais goût ^

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