Le divorce est consommé. Depuis quelques années, il y a un dégoût de la classe politique, au-delà du dégoût habituel et naturel qu’on a avec le pouvoir (il est aisé de rapporter tout nos malheurs sur un mouton noir). En effet, il semble y avoir une fracture sociale entre la classe dirigeante, composée essentiellement d’hommes blancs d’un âge supérieur à quarante ans, qui sont des cadres supérieurs et sortant de grandes écoles, bien loin de la diversité du peuple français. Dans un langage marxiste, on parlerait de classe dominante ou de classe bourgeoise. Ces derniers forment en quelque sorte une forme d’aristocratie, c’est-à-dire un gouvernement des meilleurs. Ils ont la main-mise sur l’économie (avec des relations étroites avec les patrons des grandes entreprises internationales et/ou côté en bourse), la politique ou le milieu médiatique. Ainsi, il y a une surreprésentation de ces personnes au sein de la société.
Cela pourrait marcher sans aucun problème. En effet, la France a été gouverné pendant de nombreuses années par un système féodal, puis monarchique. La classe aristocratique, d’abord noble puis bourgeoise, a toujours été au cœur de ce système.
Néanmoins, on ressent une forme d’hypocrisie. En effet, on dit que la France use de la démocratie représentative. Représentative ? Cette homogénéité d’apparence démontre le contraire. Si, à l’instar du Contrat Social, théorisé par Jean-Jacques Rousseau, les élus expriment la volonté souveraine du peuple, on pourrait parler de démocratie représentative. Mais cela semble se contredire. En effet, malgré une opposition forte, des magistrats aux diverses ligues des droits humains, la loi Renseignement est encouragée par la classe dominante. Le Premier Ministre décrit ces diverses lettres des citoyens voulant être rassurés quant au contenu de cette loi comme des « pressions sur les élus ». On retrouve une rupture du contrat social : alors que ce dernier stipule qu’« en échange du fait que tu me représentes, tu exécuteras ma volonté », les politiciens déclarent « chantez si vous voulez, je fais ce que je veux ». Certains disent même que la démocratie représentative n’est qu’un avatar de la monarchie, un terme en novlangue pour désigner un système non démocratique.
Le système démocratique européen, tant vanté pendant deux siècles au point de l’apporter en « cadeau » à des sociétés n’en voulant pas, montre ses limites : une minorité a pris prit le pouvoir. La Boétie parlait de Servitude Volontaire, et en effet, on choisit nos maîtres, parmi un panel réduit et quasiment identique : juste l’emballage change.
Bien sûr, face à ces limites, de nombreuses expérimentations sont faites pour réformer ce modèle, ou pour en proposer un autre. Cela va de la formation d’ateliers de réflexion, à l’expérimentation d’autres modèles, comme le tirage au sort, la prise de décision par consensus… on est en plein bouillonnement intellectuel et il serait trop long de tout lister ici.
Néanmoins, une question, simple, doit être posée : pensez-vous, malgré la meilleure volonté du monde, que ce changement aura lieu ? Que des personnes, ayant tous les privilèges, vont y renoncer ? Bien sûr, on peut aller par la force. En Syrie, cela fait plusieurs années qu’ils ont essayé de changer les choses, et la situation du pays est catastrophique, en ruine. De plus, on peut constate en France, par les diverses lois liberticides et par l’augmentation des moyens, une volonté de lutter contre le peuple. Un simple réflexe de défense de la classe dirigeante face à une menace de perte du pouvoir ?
On peut passer par l’éducation. Bien sûr, ça sera long, une ou deux générations. Néanmoins, il semblera normal à ces personnes d’exprimer des valeurs morales comme la coopération ou l’altruisme, à l’opposé de l’individualisme et de la compétition encouragée par notre système socio-économique.
Au final, le monde change, c’est est certain. Une part de plus en plus importante de la population aspire à un changement, sans trop savoir vers quoi se diriger. On peut néanmoins en voir plusieurs caractéristiques : coopération, consensus, diffusion universelle du savoir, citoyenneté mondiale, une hiérarchie horizontale plutôt que verticale, protection de l’environnement, égalité entre les individus… Mais tout cela passe par l’éducation. La clé de la liberté est cela : l’instruction permet de mieux appréhender le monde, par la manifestation de phénomènes et la connaissance des grands mécanismes. Mais la formation de la morale permet de fonder une éthique, de faire la distinction de ce qui est légitime ou non, et finalement de permettre de nous gouverner. Sans cela, nous sommes esclaves de ceux qui savent, réfléchissent à notre place.
L’utopie est à bout de bras. Saurons-nous l’attraper ?