Certains mots ont une terminologie propre et possèdent par conséquent un sens profond. Je conçois que les langues sont faites pour évoluer, mais certains mots ont une sémantique si particulière et explicite (issue dans beaucoup de cas de deux termes grec ou latin accrochés ensemble) qu’il me semble illogique de vouloir leur donner un autre sens. Quand on nous parle de moteur thermique, on s’attend plus à un moteur fonctionnant à partir d’une combustion et non à modèle de couture pour chaussettes. Prenons un exemple au hasard (enfin pas totalement) : l’écologie. L’écologie est, selon Wikipédia et confirmé par mes divers cours touchant de près ou de loin ce domaine :

le domaine de réflexion qui prend pour objet l’étude des interactions, et de leurs conséquences, entre individus (pris isolément et/ou en groupe constitué) et milieu biotique (NDLR : être vivant) et abiotique (NDLR: être non vivant) qui les entoure et dont ils font eux-mêmes partie ; les conséquences sont celles qui affectent le milieu, mais aussi, en retour, les individus eux-mêmes.)

Bref, un domaine purement scientifique consistant à étudier les relations de la biocénose (les « acteurs », donc les plantes, les champignons, les micro-organismes, les animaux, etc.) dans le biotope (le milieu de vie).

Jusque là nous sommes d’accord, n'est-ce pas ? Mais alors zut et triplement zut, d'où vient le concept très bobo d'écologie à la sauce « greenwashing » qu'on nous sert aujourd'hui à toutes les sauces ?

Je m’explique.

Je suis d’accord pour tenter d'amener une prise de conscience sur les dégradations faites sur l’environnement (pollutions en toutes sortes, disparition d’espèces sur un territoire, etc.) et sur les moyens de résoudre ce genre de problèmes en prenant en compte les êtres humains, la dénonciation de la croissance illimitée. En effet, elle dégrade en partie l’environnement de par l’extraction des ressources (bois, minéraux…) mais aussi par le biais de l’élevage intensif (on peut citer l'exemple des cochons en Bretagne qui produisent du lisier, qui une fois épandu dans les champs passe dans les nappes phréatiques puis se rejette dans la mer, donnant de l’engrais aux algues qui recouvrent peu à peu les plages, dégageant des gaz toxiques) et de la gestion des déchets (pensez aux décharges et aux eaux non retraitées), du dérèglement climatique qui modifie les milieux et force les espèces à s’adapter ou à disparaître, etc. Que vient faire le mot « écologie » dans les magazines vantant le dernier produit cosmétique ultra-chimique à la mode, contant les derniers ragots de la haute société à laquelle vous n’accéderez jamais, mais qui ne parlent ni de sciences ni d’écosystème, à part dans des reportages montrant des endroits luxuriants (et les hôtels de luxe à proximité) ?

Quel est le rapport avec l’écologie ? Des relations, des interactions entre différents acteurs ? Aucun. Pourquoi font-ils ça ? Pour surfer sur une mode (et sur l’actualité du dérèglement climatique qui elle est bien sérieuse et bien en rapport avec le sujet), celle de consommer des produits dits « naturels » (mais comme tout vient de la nature à la base, on sent bien l'entourloupe commerciale) en utilisant un maximum de mots-clés vendeurs, comme « écologie », « équitable », etc. Des mots vidés de sens. Des mots tellement usités par le public qu’ils ne veulent plus rien dire, ou plutôt si, mais tout et n’importe quoi. De la même manière que le mot « geek » ne désigne pour le commun des mortels qu’un adolescent ou un adulescent surfant sur Fessedebouc avec son aïe-pad tout en jouant à des jeux aux graphismes 3D de la mort qui tuent, ou le terme « hacker » qui désignait au départ une philosophie du bidouillage, de réappropriation des objets, et dont les journalistes ont réussi à rendre synonyme de pirate et de voyou de l'informatique.

Tout ça pour dire que cette novlangue en puissance me fait de plus en plus peur par le magnifique vidage des sens et de la sémantique des mots. Si seulement sauver la planète était aussi simple que d’acheter un pull en poils pubiens de pangolin.