la République n’est-elle plus que l’ombre d’elle-même ?
Par Qwerty le Temps de lecture estimé : 5min 0 Commentaire
Dans ma conception, le vote est quelque chose de sacré et inaliénable. J’ai conscience des siècles de luttes pour avoir ce privilège. Des hommes et des femmes qui se sont soulevés, pour combattre la tyrannie, et pouvoir prendre en main leur destin.
J’ai grandi dans une famille qui m’a permis de réfléchir dans le monde qui m’entoure. C’est un atout considérable. Après tout, j’ai pu développer un esprit critique. Ne pas gober la litanie insane que diffusent les JT. Ma nature curieuse me pousse à savoir toujours plus, à chercher à comprendre.
J’ai encore les images des débats mouvementés à l’Assemblée nationale du début du siècle dernier. Vous savez, là où on opposait de grandes idées, où tout est question de joute verbale. Les meilleurs arguments. Pour moi, le débat est comme un silex : en frottant des idées opposées et diverses, apparaît l’étincelle de la vérité.
Mais, depuis quelques années, il y a quelque chose de malsain qui s’installe. L’ego s’immisce, tel un poison, dans les rouages de notre belle République. On a un choix entre blanc bonnet et bonnet blanc. Travailler plus pour gagner plus, chacun pour soi et Dieu (ou pas) pour tous. L’ego touche même les idées.
Les belles, les grandes idées, sont purement et simplement ignorées. Ceux qui font des débats sont marginalisés. Ou fuit la politique, devenue trop politicienne. Certains se revendiquent apolitique. Et là, le bat blesse.
La politique signifie la gestion de la cité. Gérer notre espace, l’espace où on vit. L’espace vécu, diraient les géographies. C’est donc quelque chose qui concerne tout le monde. L’eau qu’on boit, la direction de l’économie, la manière de vivre ensemble.
Mais des années de dégoûts ont laissé leurs traces. Un illettrisme de la culture politique s’installe. Les grandes idées du passé ? Oublié. Les bêtises du passé ? Oublié. Et on les reproduit. Sans passé, guère de futur. Et les extrémistes profitent de cette méconnaissance, pour glisser de manière insidieuse leurs pensées nauséabondes. Conséquence ? Une radicalisation du débat. Débat est un mot bien trop fort : une chamaillerie serait plus adéquate. Les querelles sont devenues byzantines : une virgule, un mot à changer dans une loi. On en oublie les problèmes concrets : quel futur veut-on ?
Des tentatives sont là pour apporter de nouvelles idées. Des coalitions de nouveaux partis, se forment pour faire entendre leurs voix. Mais on les taxe d’extrémistes. Un bien grand mot, permettant de jeter l’anathème, pour laisser place aux partis sclérosés ayant perdu leur idéal, défendu par ceux qu’ils ont eux-mêmes bannis. Les extrémistes, les vrais, sont, quant à eux, rentré dans la cour royale et sont devenu comme les nantis : une norme, un modèle à suivre. Ils ont été anoblis. Et tout ce qui n’est pas noble ne doit pas être digne d’intérêt.
La République s’effondre sous son propre poids, par ses fastes et ses dorures. L’ego démesuré, chantant la douce mélodie d’un mirage lointain, occulte l’essentiel : la ville est en feu. Les bâtiments brûlent. Mais, dans la cour, que nenni, profitons de la vie. Après tout, si nous sommes heureux, tous l’est aussi ?
Les fondations de la République sont gangrenées par les injustices, par la haine et les frustrations découlant de celle-ci, la déception et la rancœur. Le poids de plus en plus lourd de l’ego exerce une pression de plus en plus forte sur une fondation en peine à supporter tout ça. Les flammes du mécontentement lèchent de plus en plus intensément et de plus en plus haut la République. Le système va s’écrouler, c’est sûr et certain. La question est de savoir quand.
Ce dimanche, il me restera qu’un goût amer d’avoir laissé gâché un combat dont des hommes et femmes sont morts, et de n’avoir laissé qu’une ombre d’un rêve avorté.
Mon vote, au final, ne servira qu’à retarder le moment fatidique où les loups consommeront les moutons.