Ces dernières années, de nombreux pays se sont révoltés contre l’ordre établi. On peut citer parmi eux l’Égypte, la Libye, la Tunisie, l’Ukraine, le Venezuela, le Brésil, la Syrie. Le monde s'embrase et l'ordre ancien disparaît, laissant s'esquisser un ordre nouveau. On peut se poser la question de savoir si la révolte contre l’ordre établi est justifiable. Dans quels cas la révolte est-elle légitime et dans quels cas est-elle illégitime ? Avant de se poser la question de la légitimité de la chose, il faut bien comprendre ses enjeux.

Un ordre établi peut-être considéré comme quelque chose tenant de la tradition, ce qui est communément admit. Il peut être de nature politique, comme un gouvernement, ou sociétal, culturel, etc. La révolte est une remise en cause d’un ordre établi qui engendre la construction d’un autre. La révolte peut-être perçue comme quelque chose de légitime. C’est un droit garant de la démocratie. L’ordre peut-être remis en question en cas d’injustice. C’est ainsi que la Révolution Française de 1789 a remis en cause la monarchie absolue, de même pour les mouvements pour l'abolition de l’esclavage qui ont remis en cause le rapport entre dominant et dominé fort et les manifestations de Mai 1968 qui se dressaient contre un certain ordre.

Cette remise en cause constitue un droit inaliénable dans une démocratie. Dans la déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen de 1793 (quelques années après la fameuse de 1789), le droit à la révolte est jugé légal si le gouvernement ne respecte pas les intérêts du peuple. À cette déclaration, on peut ajouter le contrat social de Rousseau. On élit un gouvernement certes, mais en échange il doit représenter le peuple !

Les révoltes servent aussi à préserver la morale. En effet, il est nécessaire que la loi naturelle, morale soit au-dessus des lois prescrites. Car certaines lois peuvent sembler injustes, et c’est donc un devoir moral de les corriger. C’est ce que prônait Thoreau dans son livre La Désobéissance civile. Néanmoins, cette désobéissance doit être collective pour qu’elle soit efficace. Cette morale fait écho à la notion de justice. Une morale ne peut exister sans justice car elle est le fondement même de la morale. La révolte doit donc être juste pour être légitime.

En partant de ce postulat, on doit se révolter en présence d’injustice. L’esclavage est injuste car on contraint des Hommes pourtant égaux à nous à être en position d’infériorité. En les affranchissant, on rétablit la justice.

De plus, un ordre établi à une certaine époque peut sembler idéal, mais il ne l’est pas forcément dans une autre. Il y a ainsi une notion de progression morale de l’ensemble de l’humanité. Alors qu'avant il semblait juste d’établir la loi du Talion (œil pour œil, dent pour dent) à une époque où on détruisait toute une tribu pour une simple affaire de vol, aujourd’hui cela nous semblerait anachronique. Il est donc évident que ce qui est approprié à une époque ne l’est plus à une autre !

Néanmoins, dans de nombreux cas, la révolte est illégitime. En effet, elle peut servir des causes injustes. Par exemple, certaines révolutions ont engendré des conséquences bien pire que celles qu’elles voulaient annihiler. On se souvient tous de la Terreur en France après la Révolution Française, ou de l’accession au pouvoir des Frères musulmans en Égypte et de la République Islamique en Iran de 1971.

Certaines causes sont aussi non justifiables et utilisent la révolte uniquement comme outil pour semer le chaos et ainsi arriver au pouvoir. On peut citer les nombreux cas de mouvements talibans au Moyen-Orient ou les guérillas en Amérique Latine. Certaines causes veulent faire régresser l’ordre établi et enlever des droits à certains individus. On peut citer en exemple les « manifs pour tous » qui ont eu lieu en France en 2014, s'insurgeant contre le mariage des LGBT (Lesbiennes, Gay, Bi et Transsexuel). Enfin, certaines causes utilisent la révolte pour instaurer un ordre totalement injuste, comme le putsch d’Hitler dans les années 1930. Finalement, la violence - inélucable par la révolte - n’est pas toujours une solution préconisée. Asimov disait que « la violence est le dernier argument des imbéciles ».

La voie de la non-violence, à l’instar de Gandhi, peut permettre de lutter contre l’ordre établi. En effet, sans verser une seule goutte de sang, il a réussi à libérer l’Inde du joug des Anglais.

Brassens, pour critiquer les fanatiques-kamikazes voulant imposer leurs idées, a écrit la chanson Mourir pour des idées. Il s'y trouve une phrase pleine de sens : « Mourir pour des idées, oui, mais de mort lente. » Cela explique qu'un des moyens pour montrer son désaccord est de transformer en actes nos paroles et nos opinions. Le changement peut aussi se faire par l’éducation. En éduquant les enfants contre un schéma de pensée, ils peuvent se prémunir contre les préjugés. Ainsi, par le seul biais d’une éducation dans certains villages de l’Inde, et en seulement une seule génération, le système des castes à complètement disparu.

Finalement, selon Rousseau, le contrat social permet aux citoyens d’avoir des lois justes, auxquelles ils se soumettront. Puis ce que ces lois sont justes car écrites par le peuple, il est complètement inutile de se révolter : il n’y a pas de mécontentement. Les lois évolueront tout simplement au gré du « mûrissement » morale de la civilisation.

En conclusion, la révolte est justifiée dans certains cas : en absence de justice et en allant contre la volonté commune et l’intérêt général. Néanmoins, certaines révoltes sont injustifiées car il n’y a aucune base morale ou de justice. Il existe des alternatives pacifiques pour changer le monde, la violence n’étant pas la meilleure des solutions. En cette période de crise mondiale, le monde étant en pleine mutation et assistant à la très légère esquisse d'un nouvel ordre mondial, nous pouvons nous questionner sur les moyens à choisir pour parvenir à accéder à ces alternatives.