Voici le cinquième et dernier billet de la série sur le logiciel libre, contenant ici la Partie 4 du texte.

Sommaire

Partie 4 : L’économie du logiciel libre

Bien que le logiciel libre représente un idéal de gratuité logicielle, il n’en est pas moins le moteur d’une véritable économie. J’ai donc décidé de rédiger une partie consacrée entièrement à l’économie du logiciel libre pour bien nous faire prendre conscience de ce qu’il représente en étant utilisé de façon lucrative.

La solution du logiciel libre pour son entreprise

Utiliser des logiciels libres en entreprise peut apporter beaucoup d’avantages, non seulement financiers, mais également au niveau d’autres facteurs tout aussi importants que nous allons découvrir dans cette partie.

Comme expliqué précédemment, l’utilisation de logiciels libres en entreprise permet une réduction des coûts assez conséquente. En effet, les licences libres sont beaucoup moins chères que les licences propriétaires, voire dans beaucoup de cas totalement gratuites ! Un autre avantage financier est celui de l’aspect « multiposte » des licences libres. Si vous achetez une licence de logiciel propriétaire, il est possible que celle-ci soit « monoposte » : vous ne pouvez l’installer que sur une seule machine. En somme, il vous faudra autant de licences que de machines à équiper du logiciel, ce qui peut atteindre des sommes exorbitantes. Avec un logiciel libre en revanche, la licence un fois payée (ou non), vous avez le droit d’en profiter sur plusieurs ordinateurs : les licences libres sont donc « multiposte ».

Secondo, nous avons parlé un peu plus tôt des formats de données ouverts et standardisés utilisés par les logiciels libres. Ceci apporte un autre avantage pour une entreprise : respectant les normes et les standards, les logiciels libres permettent d’éviter des complications de migration entre logiciels et des conversions de données interminables. C’est ce qu’on appelle la pérennité des données. Voici donc, après un avantage financier un avantage de gestion.

En utilisant des logiciels libres, une entreprise s’assure la sécurité du logiciel. L’ouverture du code source permet aux logiciels d’être maintenus par une communauté de développeurs, favorisant ainsi la correction des bugs. Les mises à jour sont régulières, promettant les dernières corrections à vos logiciels. Aussi, moins de risques de voir apparaître un bout de code espion dans un logiciel libre : le code peut être lu et relu par n’importe quel individu capable d’en comprendre le fonctionnement, et des personnes appelées « débogueurs » remplissent cette tâche parmi les développeurs. À noter cependant que cette relecture n’est pas faite systématiquement.

La mise à disposition du code source des logiciels permet également d’assurer leur pérennité. Une entreprise utilisant des logiciels libres n’a pas à se soucier de l’éditeur du logiciel : en possédant une licence libre, elle a le droit de conserver le logiciel même si celui-ci n’est plus maintenu par l’éditeur, et peut aussi le faire modifier pour l’adapter le plus possible à ses besoins.

Les entreprises de services spécialisées dans le logiciel libre proposent souvent des formations à leurs clients. Mettre à disposition du client un service de formation est aussi un avantage. Ceci est très bien illustré avec la célèbre expression « il vaut mieux apprendre à pêcher au mendiant que de lui donner du poisson.» En effet, il plus intéressant financièrement pour vous d’être formé à faire quelque chose que de devoir payer quelqu’un pour le faire. C’est un peu le principe qu’on retrouve dans le concept de l’auto-suffisance. Mais ceci est un autre débat. Même si le logiciel propriétaire peut également dans certains cas proposer des formations, le logiciel libre favorise cela.

Le logiciel libre peut bel et bien devenir un allié important pour une entreprise, sachant qu’il existe une alternative libre à beaucoup de logiciels propriétaires. Certains logiciels très spécialisés ne seront peut être pas disponibles sous licence libre (à moins qu’ils ne le soient à l’origine), mais pour les tâches courantes comme naviguer sur Internet, rédiger un document texte, ou faire sa comptabilité, il y a un logiciel libre pour le faire !

Gagner de l’argent en développant des logiciels libres, c’est possible!

Et oui, c’est possible ! Vous pouvez parfaitement gagner de l’argent en développant des logiciels libres, et nous allons découvrir comment tout de suite.

Pour commencer, il faut apporter une petite précision sur un point sensible du logiciel libre : qui dit libre ne dit pas automatiquement gratuit. Si on se réfère aux quatre libertés1 rédigées par la Free Software Foundation pour définir un logiciel libre, et que l’on s’intéresse plus particulièrement à la liberté no2, voici ce qu’on peut lire :

Un programme est un logiciel libre si vous, en tant qu'utilisateur de ce programme, avez les quatre libertés essentielles : la liberté d'exécuter le programme comme vous voulez, pour n'importe quel usage (liberté 0) ; la liberté d'étudier le fonctionnement du programme, et de le modifier pour qu'il effectue vos tâches informatiques comme vous le souhaitez (liberté 1) ; l'accès au code source est une condition nécessaire ; la liberté de redistribuer des copies, donc d'aider votre voisin (liberté 2) ; la liberté de distribuer aux autres des copies de vos versions modifiées (liberté 3) ; en faisant cela, vous donnez à toute la communauté une possibilité de profiter de vos changements ; l'accès au code source est une condition nécessaire.

Qu'est-ce que le logiciel libre ?, Free Software Foundation

Nous n’avons là aucune précision sur le caractère lucratif ou non de cette redistribution. Et c’est tout à fait normal, car la liberté no2 permet à l’auteur d’un logiciel libre de redistribuer des copies de son logiciel, moyennant une somme d’argent. Le logiciel libre peut donc être vendu à l’utilisateur. Nous pouvons d’ailleurs citer un exemple de logiciel libre dont la licence est payante (mais multiposte) : la distribution Red Hat Entreprise Linux. En effet, la société éditrice de distributions GNU/Linux Red Hat, a créé cette distribution en visant un public particulier, celui du monde commercial et des entreprises.

Nous avons pu voir qu’un logiciel libre peut donc être vendu, mais ce n’est pas la seule façon de créer des revenus avec le logiciel libre. En fait, l’économie du logiciel libre se base plus sur la vente de service que du logiciel en lui-même. Les revenus des entreprises éditrices de logiciels libres proviennent en majorité des services annexes au développement du logiciel : le déploiement, l’intégration et le support. Un marché s’est même créé vers la fin des années 1980 et le début des années 1990, se concentrant sur le support commercial des logiciels libres. On peut citer parmi ces entreprises novatrices Cygnus Solutions, créée en 1989 par trois contributeurs du projet GNU, pour fournir du support commercial aux logiciels libres tout en continuant à contribuer à GNU, et GeekNet (anciennement VA Linux, créée en 1993 pour vendre des machines sous GNU/Linux, renommée VA Software en 2001 en se convertissant à l’édition de logiciels libres), entreprise à l’origine de SourceForge.net , se concentrant aujourd’hui sur l’intégration de services autour de l’écosystème du développement de logiciels libres et open source. Pour témoigner de sa réussite, GeekNet est présente en bourse, au NASDAQ. Pas mal pour une entreprise de logiciels libres !

Nous pouvons constater que les acteurs du domaine du logiciel libre ont su forger une véritable économie autour de l’édition de logiciels libres, mais surtout en créant des services s’articulant autour de son utilisation, et en se différenciant des modèles industriels classiques. C’est sur ce dernier point que portera la prochaine partie.

Différences avec les modèles industriels traditionnels

Le modèle économique observé autour de la vente de services autour du logiciel libre est totalement différent des modèles industriels traditionnels que l’on peut retrouver dans le cas de la vente de licences propriétaires. Dans le cas d’une entreprise éditant et vendant des logiciels propriétaires, elle réalise ce qu’on appelle une économie de rente. Son revenu dépend directement du nombre de produits vendus, en l’occurrence des licences de logiciels.

Le modèle économique du logiciel libre favorise plutôt les services et la création de valeur ajoutée : les sources de revenus ne proviennent pas de la vente de licences de logiciels, mais se présentent sous forme de prestations de services, comme l’installation, l’assistance, le conseil, ou la formation.

Pour revenir sur l’édition de logiciel libres, les projets de logiciels libres s’articulent pour beaucoup autour d’une communauté. Et la présence de cette communauté apporte beaucoup d’avantages elle aussi ! Tout d’abord, le travail collaboratif apporte du dynamisme à une équipe, ce qui est un avantage économique et concurrentiel. La communauté favorise aussi la diversité des acteurs du développement du logiciel. Cette diversité favorise de façon naturelle l’adéquation du logiciel aux besoins du client.

Nous pouvons donc observer que le modèle économique mis en place avec la création du marché du logiciel libre peut apporter beaucoup, que ce soit à petite échelle locale, ou à grande échelle.

De nombreux avantages par rapport au développement d’un logiciel propriétaire

Penchons-nous maintenant sur les avantages qu’un développeur de logiciel aurait en distribuant son logiciel sous licence libre, par rapport à une distribution sous licence propriétaire. Certains de ces avantages ont déjà été cités antérieurement, mais d’autres vont venir s’ajouter, et pas des moindres ! Ils ont cependant tous un point commun : ils proviennent tous de l’ouverture du code source d’un logiciel.

Commençons par un des apports du logiciel libre que nous avons déjà pu rencontrer : la pérennité du logiciel. L’ouverture du code source du logiciel permet à quiconque de lire et comprendre son fonctionnement. Pour une personne capable d’écrire dans ce même langage, il est possible d’adapter ce code source vers d’autres plates-formes, de le modifier, de l’améliorer, et aussi de perpétuer son maintien. Ceci garantit donc plusieurs choses : un logiciel libre sera plus facilement interopérable, ce qui signifie qu’il pourra être utilisé sur des systèmes d’exploitation différents, sur des types de machines différentes, élargissant ainsi sa cible de clientèle ; un logiciel libre sera pérenne dans le temps, car même si l’auteur originel décide d’arrêter son maintien, le code source sera toujours disponible, permettant de continuer l’utilisation du logiciel.

L’ouverture de son code source permet de fournir des ressources essentielles pour d’autres développeurs. Ainsi, en permettant à d’autres utilisateurs d’utiliser, de modifier ou de s’inspirer de votre code source, cela favorisera la création d’applications et de systèmes, ce qui encourage l’innovation.

Cette même ouverture du code nous a fait voir la naissance de systèmes très fiables, comme le système d’exploitation GNU/Linux, qui aujourd’hui est très utilisé et sur lequel reposent de nombreux projets. On peut citer les domaines de l’embarqué, de la téléphonie, des supercalculateurs, ou des serveurs web, dans lesquels GNU/Linux est très présent, voire majoritaire. Les chiffres du top 500 des supercalculateurs de novembre 2014 montrent l’hégémonie de Linux, en indiquant que 485 des 500 premiers supercalculateurs tournent avec Linux, soit 97%. Pareillement, la Fondation Linux a conclu un rapport sur les plates-formes utilisées pour l’informatique dans le cloud. Résultat : 75% d’entre-elles utilisent Linux. Plus besoin de parler de Linux sur les serveurs web, qui depuis plus de vingt ans domine ce marché. Plus récemment cependant, nous pouvons parler de téléphonie mobile, et en particulier de Android. Comme vous le savez peut-être, Android est un système d’exploitation open-source pour smartphones, utilisant le noyau Linux. Sachez qu’au troisième trimestre de 2014, 83,6% des smartphones livrés dans le monde utilisaient Android comme système d’exploitation. Pour parler un peu de systèmes embarqués, une étude de 2013 révèle que la moitié des systèmes embarqués utilisent des système d’exploitation Linux, comptant parmi ces systèmes Android, Debian, Ubuntu, ou encore Red Hat.

En d’autres termes, le secteur du logiciel libre se porte bien. Même le géant Microsoft semble vouloir se convertir ! En effet, la firme de Redmond a annoncé le 13 novembre dernier son souhait de rendre le framework .NET open-source, et dans la foulée, Microsoft discute en interne l’ouverture du code d’Internet Explorer.

Voir des grosses compagnies telles que Microsoft se lancer dans l’open-source et le logiciel libre témoigne de l’attrait des utilisateurs pour les logiciels libres, et confirme que le secteur continue son ascension en termes de popularité.

Avec toutes ces informations, n’hésitez pas à distribuer vos codes et vos logiciels sous licence libre !

Épilogue

Pour terminer cet article, je dirais que l’aventure du logiciel libre est avant tout une aventure humaine. Liberté, ouverture… Ce sont encore des utopies pour l’humanité, mais le logiciel libre y contribue à sa façon, et nous permet de nous en rapprocher.

J’espère avoir pu vous exposer de la manière la plus objective et impartiale possible l’histoire, l’idéologie et les enjeux du logiciel libre, en me basant sur mon expérience personnelle et quelques sources externes, même si, je dois le dire, cela n’a pas toujours été facile de le rester ! Je ne suis en aucun cas celui qui choisira pour vous quels logiciels utiliser, qu’ils soient libres ou non. Cela reste votre liberté !

Si vous souhaitez approfondir vos connaissances sur le logiciel libre, je vous conseille de visiter les sites de l’APRIL, du projet GNU, le site du projet Creative Commons et de satisfaire votre curiosité par vous-même si vous le souhaitez en fouinant sur Internet. Vous pouvez également retrouver les sources m’ayant inspiré pour écrire ce tutoriel ci-dessous.

Sources


  1. Qu'est-ce que le logiciel libre ?, Free Software Foundation.