Nous sommes Charlie

Vous avez tué l’Europe

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Jupiter et Europe (1640) .d'après Guido Reni

Ah l’Europe. Depuis tout petit je l’aime. Pour moi, elle est synonyme de progrès. Progrès ? Oui. Elle permet de s’affranchir des frontières. Elle veut aider les peuples à collaborer entre eux. Vous voulez un exemple ? Erasmus permet aux étudiants de parcourir ce continent, à rencontrer d’autres jeunes, comme lui, et à voir que, finalement, les points communs sont plus nombreux que les différences. La monnaie unique, l’euro, malgré toutes les critiques nous ont aidés à parcourir les pays, et à se sentir comme chez nous un peu partout. Le parlement européen a permis de redonner du pouvoir aux peuples, de se faire entendre partout sur le continent. L’Europe a permis aussi de sauver les langues minoritaires, langues que voulait détruire les états, comme la France souhaitant éradiquer les langues régionales. L’Europe a permis aussi de créer des connexions biologiques entre les pays, aidant les animaux à traverser les territoires sans problèmes (la libre circulation n’est pas réservé aux hommes).
Mais l’Europe, c’est aussi économique : la première puissance économique mondiale, devant les États-Unis d’Amérique et la Chine.
Mais l’Europe, c’est aussi un rêve. Un rêve de paix. Un garde fou contre un déchirement fratricide des peuples, guidé par la folie sanguinaire du nationalisme. Un garde fou contre une guerre qui serait fatal au peuple.
L’Europe, c’est la manifestation de l’unité latente des peuples européens. D’une culture commune, de Lisbonne à l’Oural, des Pouilles au cercle arctique. Oui. Il y a eu, depuis longtemps, des échanges entre ses peuples : romains, vikings, grecs…
Se désintéresser de l’Europe, c’est insulter l’idée humaniste d’une Europe unie et pacifiée. C’est insulter les Hommes qui se sont battus pour la construire. Se désintéresser de l’Europe, c’est détruire le premier pas d’une paix mondiale, espérance séculaire de l'Homme. Se désintéresser de l’Europe, c’est détruire tous les efforts fait pour son unité, comme la création d'une langue commune tel la franca lingua ou l’espéranto.
Démanteler l’Europe, c’est retomber dans les pires heures sombres de l'Histoire. Re-voulez vous la guerre ? Les guerres du Moyen-Âge, les guerres de religions, les guerres mondiales.
Détruire l’Europe, c’est détruire le rêve des grands penseurs. Par exemple, Victor Hugo, qui décrit, durant le Congrès International de la Paix à Paris le 21 aout 1846 :

Un jour viendra où les armes vous tomberont des mains, à vous aussi !
Un jour viendra où la guerre paraîtra aussi absurde et sera aussi impossible entre Paris et Londres, entre Pétersbourg et Berlin, entre Vienne et Turin, qu'elle serait impossible et qu'elle paraîtrait absurde aujourd’hui entre Rouen et Amiens, entre Boston et Philadelphie.
Un jour viendra où la France, vous Russie, vous Italie, vous Angleterre, vous Allemagne, vous toutes, nations du continent, sans perdre vos qualités distinctes et votre glorieuse individualité, vous vous fondrez étroitement dans une unité supérieure, et vous constituerez la fraternité européenne, absolument comme la Normandie, la Bretagne, la Bourgogne, la Lorraine, l’Alsace, toutes nos provinces, se sont fondues dans la France.
Un jour viendra où il n’y aura plus d’autres champs de bataille que les marchés s’ouvrant au commerce et les esprits s’ouvrant aux idées.
Un jour viendra où les boulets et les bombes seront remplacés par les votes, par le suffrage universel des peuples, par le vénérable arbitrage d’un grand sénat souverain qui sera à l’Europe ce que le parlement est à l’Angleterre, ce que la diète est à l’Allemagne, ce que l’Assemblée législative est à la France.
Un jour viendra où l’on montrera un canon dans les musées comme on y montre aujourd’hui un instrument de torture, en s’étonnant que cela ait pu être

Mais d’autres penseurs, comme Trotski et Churchill rêvaient de cette Europe.
Démanteler l’Europe, c’est agir contre la paix et les intérêts de l’humanité. Et tant qu’il y aura des gens justes et bons, l’Europe continua à vivre.
Pour paraphraser Victor Hugo dans le guide de l’exposition universelle de Paris en 1869, en parlant d’une concorde planétaire entre les hommes, dans leur diversité :

Elle s’appellera l’Europe, au XXIe siècle [XXe originalement], et, aux siècles suivants, plus transfigurée encore, elle s’appellera l’Humanité.

Mais s’il vous plaît, ne laissez pas mourir l’Europe, ou cela nous signera pour nous notre arrêté de mort, non seulement aux européens, mais à l’humanité tout entière.
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